Les vins bio ne représentent encore qu’un faible pourcentage des vignobles à travers le monde, soit environ 5%. Or, ce chiffre ne tient pas compte de tous les artisans qui ont choisi depuis des générations de traiter leurs vignes et leurs terres avec tout le respect qu’elles méritent.

En effet, des vignerons exceptionnels optent depuis longtemps pour une agriculture biodynamique, sans pour autant se prévaloir de la certification bio. On aurait donc tort de ne s’en tenir qu’au label. Comme pour chaque belle rencontre que la vie nous offre, une histoire bien personnelle, souvent une histoire d’amour entre le terroir et le vigneron, se cache derrière l’étiquette. Une garantie de bonheur que de la découvrir? Peut-être bien, oui!

La Maison Brumont

J’en ai eu une preuve sublime tout récemment à travers une dégustation des dernières cuvées de la Maison Brumont, un phare viticole du Sud-Ouest de la France. Ces vins, qui ne sont pas certifiés bio, vont pourtant bien au-delà des exigences prévues par le label, pour le grand bonheur de nos sens.

Dégustation de vins de la Maison Brumont au Ritz Carlton, Montréal

On se prépare pour une belle dégustation de vins de la Maison Brumont au Ritz Carlton à Montréal.

Le domaine de la Maison Brumont s’étend sur 240 hectares, moitié Château Bouscassé, moitié Château Montus. Il produit trois appellations : Madiran, Pacherenc-du-Vic-Bilh et Gascogne. L’histoire débute en 1979, quand M. Alain Brumont rachète le domaine familial Château Bouscassé. Puis, dès 1981, le jeune vigneron, guidé par son intuition, se porte acquéreur du domaine Château Montus. Ces 20 hectares quasiment en ruine, avec leurs gros galets ocres, leur argile fine et leurs pentes à l’ouest n’intéressaient personne. Mais M. Brumont, lui, était convaincu qu’il tirerait de ces terroirs des cépages uniques et exceptionnels.

L’avenir allait lui donner raison. Le Château Montus La Tyre, son cru le plus prestigieux, 100% Tannat, se place parmi les icônes des 10 meilleurs vins de ce monde. D’ailleurs, bien des critiques n’hésitent pas à l’appeler « le Pétrus du Madiran ». Lui et ses petits frères multiplient les honneurs années après années, se classant parmi les meilleurs vins en France, les meilleurs vins au monde, le top 100 du Wine Experience à New York et bien d’autres reconnaissances encore.

Cohabiter plutôt que posséder

Le secret du vigneron se trouve en partie, je crois, dans sa relation qui l’unit à ses vignes, une histoire qui a de quoi inspirer. Si tout le monde s’occupait de ses terres comme il le fait, à l’image d’un surintendant plutôt que d’un exploiteur, la planète tout entière – humains, animaux, végétaux et tout le reste du vivant – s’en porterait mieux. Celui qui, dit-on, connaît chaque vigne par son prénom a en effet développé un immense respect du terroir qu’il habite, et ce dernier le lui rend bien, s’exprimant à travers chaque vin que crée la Maison Brumont.

M. Alain Brumont. Photo : http://www.brumont.fr

M. Alain Brumont. Photo : http://www.brumont.fr

Le chêne a été une source d’inspiration majeure pour M. Brumont. Non seulement leur donne-t-il leurs meilleures barriques, mais cet arbre a besoin de milliards de mycorhizes, des champignons qui vivent en symbiose avec les racines, et de bactéries pour se développer pleinement. « Il a besoin de tout le monde », rappelle M. Brumont.

Fidèle à cette image, il a choisi de laisser sur ses domaines presque toute la flore qui s’y trouvait. « Il faut vivre au rythme de tout le monde », répète-t-il encore. Il s’est aussi fait architecte de son domaine, replantant des chênes, reconstruisant le paysage. Depuis, il a vu de vieilles variétés d’abeilles revenir s’installer sur ses terres. L’écosystème de chaque vigne – faune, flore, lichen et mousse – est respecté, sa biodiversité, préservée.

Vignobles Brumont. Photo : http://www.brumont.fr

Vignobles Brumont. Photo : http://www.brumont.fr

Aux domaines de la Maison Brumont, on n’utilise aucun intrant chimique, aucun acidifiant et pas même les produits que les normes de l’agriculture biologique autorisent, car ils contiennent du cuivre et du soufre. Le sol n’est nourri que de fumier de mouton que les employés vont parfois chercher jusque dans les montagnes. Un travail colossal, mais qui en vaut la peine. « Il faut s’y mettre », dit simplement M. Brumont, ajoutant, fier : « Viens voir mes vignes! Elles grouillent de vie ».

Pour évoluer, il faut analyser et comprendre la terre, mais aussi savoir revenir à elle, tout simplement. La terre est vivante, je ne peux pas passer un jour sans aller rendre hommage à mes 90 terroirs et échanger avec ceux qui les travaillent. Ce sont eux qui m’imposent le respect. Sentir, respirer, écouter la nature…  (Alain Brumont)

Des vins exceptionnels

Jean Aubry signait dernièrement une autre belle chronique dans Le DevoirCes vins qui rendent heureux, et pourquoi », 5 mai 2017), écrivant qu’après avoir goûté un vin, « il ne reste plus qu’à cibler au plus près ce qui vous touche et vous rend heureux. […] Mais le but du jeu ne s’arrête pas là ! Encore faut-il dire pourquoi ces vins vous rendent heureux. J’ai tenté le coup pour vous. À vous de rebondir maintenant. »

Alors me voici qui rebondis, essayant à mon tour de cerner ce qui m’a tant plu dans les vins que j’ai eu la chance de déguster dans le décor enchanteur du Ritz Carlton. Pour l’instant je suis tout entière dans le présent de l’expérience. L’habileté de lire le passé et de prédire le futur viendra sans doute, mais plus tard. Pour l’instant, savourons!

On se prépare pour une dégustation des vins de la Maison Brumont au Ritz Carlton, Montréal. Dégustation des vins de la Maison Brumont. Château Montus La Tyre, Château Bouscassé. Présentation de M. Alain Brumont.

La Gascogne Gros Manseng, Sauvignon blanc 2016. SAQ 548883 (12,65$) – Un beau vin blanc fruité et floral, idéal pour l’apéro par une chaude journée d’été. Elles s’en viennent, ces belles journées, ne désespérons pas! Très sauvignon et bien sympathique, c’est un beau passe-partout à prix doux.

Les Jardins de Bouscassé, Pacherenc du Vic-Bilh sec 2011. SAQ 11179392 (17,95$) – J’ai trouvé celui-ci frais et fruité, très agréable. C’est un Petit Courbu (presque à 100%), un cépage qu’on ne rencontre pas si fréquemment. Est-ce ce qui lui donne cette petite touche minérale marquée et ce gras délicat? On le décrit comme « le reflet des senteurs des prairies gasconnes », une évocation très estivale.

Château Montus, Pacherenc du Vic-Bilh sec 2012. SAQ 11017625 (24,90$) – Mon coup de cœur dans les blancs de la soirée. Gras, onctueux et soyeux, il présente des notes florales mais c’est surtout sa touche boisée qui m’a séduite. Avec sa belle robe jaune paille brillante, ce Montus blanc peut se boire jeune ou se laisser désirer de 6 à 15 ans. Il s’accorde aussi bien avec le foie gras qu’avec un fromage comme le Louis d’Or. ♥

Château Bouscassé, Madiran 2012. SAQ 856575 (19,85$) – On tombe ici dans le Tannat, ce cépage qu’il faut absolument découvrir si ce n’est pas déjà fait. Il donne aux vins des beaux rouges profonds, presque noirs. On se colore les dents avec plaisir puisqu’ils sont si savoureux! Celui-ci a la robe un peu moins foncée que ses confrères, mais pas moins de tanins pour autant. À essayer avec des viandes grillées et des fromages tels le Migneron de Charlevoix.

Château Montus, Madiran 2012. SAQ 705483 (28,85$) – Issu de vignes cultivées sur de gros galets, ce rouge qui a fait la réputation de la Maison Brumont est parmi les plus abordables des Montus. Plutôt délicat au nez, il est tout de même puissant, avec des tanins fins. Suave, il reste longtemps en bouche, avec une petite acidité en finale.

Château Bouscassé Vieilles Vignes, Madiran 2006. SAQ 904979 (35,25$) – Au nez, j’y ai senti plus de fruits mûrs et un peu plus de boisé aussi que le précédent, ce qui m’a beaucoup plu. Ces vieilles vignes qui ont entre 50 et 100 ans sont entourées, nous raconte M. Brumont, d’une terre argileuse qui colle aux bottes, « une terre amoureuse », dira quelqu’un autour de la table. Ces vins sont conçus pour durer 30 ans; juste à temps pour célébrer la fin de ma thèse (je blague)! On nous l’a servi avec une assiette de fromages du Québec; c’était de toute beauté! ♥

Dégustation de Château Bouscassé Vieilles Vignes 2006 de la Maison Brumont, accompagné de fromages québécois : Riopelle, Louis d'Or et Mi-Carême. Au Ritz Carlton, Montréal.

Dégustation de Château Bouscassé Vieilles Vignes 2006 de la Maison Brumont, accompagné de fromages québécois : Riopelle, Mi-Carême et Louis d’Or.

Château Montus Cuvée Prestige, Madiran 2009. SAQ 12215914 (70,25$) – Sa robe d’un rouge foncé très profond est séduisante. La couleur colle au verre. M. Brumont nous parle longuement et avec amour de ses espoirs pour ce beau 2009, issu de vignes perchées au sud, dans les cailloux, qui se font bien réchauffer au soleil. On nous l’a servi avec un carré d’agneau recouvert d’herbes – le mariage était sublime.

Le Château Montus Cuvée Prestige 2009, servi avec le plat principal : carré d'agneau.

Le Château Montus Cuvée Prestige 2009.

Château Montus La Tyre, Madiran 2006. SAQ 12932411 (193,00$) – Celui-là, je voudrais en acheter une caisse au grand complet pour le déguster maintenant et plus tard. Dès le nez, ça a été le coup de cœur; je m’en rappellerai longtemps. En bouche, je l’ai trouvé suave, profond, même un peu sucré. En tout cas, c’est avec le dessert qu’on nous l’a présenté, une mousse au chocolat noir et framboise. Bien sûr, il accompagnera aussi royalement tout plat principal approprié. ♥

Dégustation des vins de la Maison Brumont. Château Montus La Tyre, Château Bouscassé. Présentation de M. Alain Brumont.

Château Montus La Tyre, Madiran 2008. SAQ 12932438 (149,00$) – Pour les différences entre les millésimes plus jeunes, on tombe dans le domaine des experts, dont je ne suis pas. Il faut pouvoir s’imaginer comment vieilliront les vins. Celui-ci, je le laisserais reposer sagement dans un cellier pour l’instant. Les tanins sont languissants, comme un rappel de ne pas l’oublier.

Château Montus La Tyre, Madiran 2009. SAQ 12932454 (168,00$) – Il a les mêmes tanins fins et bien équilibrés, la même élégance et harmonie que le 2008, mais à les comparer, il m’a semblé plus accessible dans l’immédiat. Encore une fois, c’est un vin à conserver précieusement et à découvrir plus tard.

Château Montus La Tyre, Madiran 2010. SAQ 12932462 (159,00$) – Des trois derniers millésimes, c’est celui avec lequel j’ai le plus aisément communiqué. Je l’ai trouvé attirant, profond et complexe, plein de promesses.

Parmi ces trésors, vous l’aurez compris, certains sont à ouvrir dès maintenant, alors que d’autres, il va sans dire, sont à ranger dans votre cellier. Un La Tyre, par exemple, peut se conserver facilement 25 ans, voire jusqu’à 60 ans!

Ils ne sont pas tous disponibles à la SAQ; gardez l’œil ouvert!

Dégustation des vins de la Maison Brumont. Château Montus La Tyre, Château Bouscassé. Présentation de M. Alain Brumont.

Le magnifique Château Montus La Tyre, qui a fait la réputation de la Maison Brumont.

 

Vignobles Brumont : http://www.brumont.fr/