Transparence radicale. Ces deux mots sont utilisés pour décrire Everlane, une boutique en ligne qui change les règles du jeu en matière de vêtements éthiques. C’est un modèle que je n’avais encore jamais vu. Lorsqu’on parle de durabilité, on pense souvent environnement. Or la durabilité, ou sustainability, comprend aussi deux autres volets, au minimum, soit l’aspect social et l’aspect économique. Les efforts de la compagnie Everlane s’inscrivent surtout dans ces deux derniers volets. En effet, ce qui distingue la marque est une volonté de transparence maximale. Ce dévoilement se fait à deux niveaux : le coût des articles et leur production.

Dévoiler le coût des articles

Au départ, la marque est née d’un désir d’offrir des articles vestimentaires de qualité à moindre coût – mais pas non plus à n’importe quel prix. Ayant remarqué que les étiquettes de prix pouvaient être haussées jusqu’à huit fois dans l’industrie de la mode, Everlane a décidé de faire autrement. Plusieurs coûts ont été éliminés, notamment les boutiques physiques (mis à part une ou deux), les distributeurs et les représentants. Chez Everlane, les achats se font principalement en ligne.

La transparence commence donc au niveau des coûts. Pour chaque article, les coûts de production, par catégorie, sont dévoilés, en ligne : matériaux, quincaillerie, main-d’œuvre, transport et, le cas échéant, douanes. On additionne le tout et on affiche le prix de vente. Finalement, on nous donne une comparaison avec le prix moyen d’un vêtement similaire vendu dans une autre boutique de même qualité. En plus de ces détails, on apprend de quelle usine provient l’article que l’on s’apprête à mettre dans son panier virtuel.

      

Photos : www.everlane.com

D’où viennent les produits?

En effet, la transparence ne s’arrête pas aux coûts. Everlane présente sur son site chaque usine avec laquelle elle fait affaires, aux États-Unis et ailleurs. Pour chacune d’elle, on nous raconte comment la relation d’affaires s’est établie, la provenance des textiles utilisés, les mesures éthiques mises en place pour le bien-être des employés et plein d’autres détails comme la température qu’il fait dans l’usine, en direct. On y trouve aussi un album photo qui donne une idée des lieux, de l’équipement et qui un visage sur une partie des gens qui y travaillent.

Everlane a des usines dans plusieurs pays : deux aux États-Unis, une au Pérou, une en Écosse, une en Espagne, deux en Italie, trois au Vietnam et sept en Chine. La plupart comptent d’une centaine à quelques centaines d’employés, mais d’autres sont plus grosses. Une est carrément gigantesque, avec ses 8000 employés. J’avoue à ce point-ci m’être demandée comment une compagnie basée à San Francisco pouvait s’assurer que ces employés-là travaillaient dans de bonnes conditions. D’ailleurs ici, la description se fait un peu plus mince. Mais elle est là quand même, comme pour les autres usines, même si un malaise me semble palpable. Everlane spécifie que l’usine a doublé de taille dans les dernières années. Elle mentionne également comment elle tente de contribuer au bien-être des employés qui y travaillent.

Everlane, usine de Ho Chi Minh City. Photo : www.everlane.com

Deux travailleuses à l’usine de Ho Chi Minh City. Photo : www.everlane.com

Redonner à la communauté

La compagnie redonne une partie de ses profits à différentes causes qui lui tiennent à cœur ou encore l’investit pour l’amélioration des usines qui fabriquent leurs produits. Par exemple, 35% des profits des ventes du Black Friday sont placés dans un fonds qui est ensuite utilisé pour financer un projet choisi par les employés de l’usine récipiendaire. En 2016, chaque employé de l’usine de Ho Chi Minh City (celle de 8000 employés) a reçu un casque de motocyclette – des casques obligatoires à porter mais difficiles à se procurer dans cette ville. D’autres programmes ciblent des collections particulières, pour lesquelles Everlane donne 5$ par item vendu à différentes causes, par exemple à Equality Now, une organisation qui travaille à la protection des droits des femmes et des filles à travers le monde.

Everlane, usine de Dongguan. Photo : www.everlane.com

Travailleuses et travailleurs à l’usine de Dongguan. Photo :  www.everlane.com

 

Tout cela force la réflexion. Pour certains, la durabilité c’est d’acheter local. Pour d’autres, ce qui compte d’abord et avant tout, c’est l’aspect écologique. Pour d’autres encore, la mondialisation peut exister si elle se fait dans le respect des travailleuses et travailleurs. J’ai lu bien des débats dans les dernières années sur le sujet. J’ai entendu beaucoup d’opinions. J’avoue que je ne sais pas toujours où me situer et que c’est parfois difficile d’y voir clair. J’ai décidé de vous présenter Everlane quand même parce que je crois que ce concept de transparence radicale est un grand pas dans la bonne direction. Everlane est une compagnie qui nous encourage à demander « pourquoi » et « comment ». Une philosophie qui me plaît et que j’aimerais rencontrer plus souvent.

Everlane, The modern loafer Mule (155$US). Photo : www.everlane.com

Everlane, The modern loafer Mule (155$US). Photo :  www.everlane.com

Toutes les photos, incluant celle en couverturem ont été tirées du site d’Everlane, avec leur permission.

https://www.everlane.com/