Je n’ai pas l’habitude de lire des romans de série noire, mais celui-là m’attirait parce qu’il y était notamment question de contamination environnementale. C’est le village de Ham-Sud, tout près de ma cabane à sucre, qui sert de décor de fond à ce thriller écologique. 

Il y a quelques des années, en 2008, je m’étais mise en quête de littérature environnementale publiée en français au Québec. J’étais alors tombée sur mon premier « thriller écologique » : H2O Inc.  de Varda Burstyn, ancienne directrice de Greenpeace (roman traduit de l’anglais par Mario Pelletier). Pour être honnête, j’avais alors pensé qu’il aurait mieux valu qu’elle écrive un documentaire plutôt qu’un ouvrage de fiction sur ce sujet important (la privatisation de l’eau). Malgré cette expérience, j’ai décidé de donner une deuxième chance à ce genre que je lis peu souvent, avec Une église pour les oiseaux, un roman policier de Maureen Martineau.

Dans ce roman, plusieurs récits se superposent : celui de Hermann Fiesch, un homme qui vit à l’écart des autres et qui désire ouvrir un zoo dans la petite municipalité de Ham-Sud, celui de Roxanne Pépin, la mairesse du village, intéressée par l’ouverture d’une nouvelle bibliothèque, mais aux prises avec de sérieux doutes quant à sa position de politicienne et aussi d’inquiétudes par rapport à son fils schizophrène, et celui de Jessica Acteau, une jeune escorte accusée d’un meurtre aussi sordide qu’absurde. Un dernier récit se superpose à ceux de ces êtres humains : celui de martinets ramoneurs qui veulent migrer vers le sud mais qui sont retenus dans leur clocher à cause d’un mystérieux mal qui les tue en plein vol.

Le roman se lit aisément. L’intrigue est bien nouée et les récits superposés ajoutent une touche intéressante à la forme. Les deux trames principales, soit celle du meurtre de Hermann Fiesch par Jessica et Dave et celle de la mairesse qui découvre que son village a été contaminé par une firme américaine de biochimie se recoupent suffisamment pour que l’on passe de l’un à l’autre sans avoir l’impression de changer complètement d’histoire.

Le récit des oiseaux m’a intéressée à plusieurs égards. Servant en quelque sorte de trame de fond, des scènes où les oiseaux sont les protagonistes principaux ponctuent le roman, l’encadrant notamment au début et à la fin. Les martinets ramoneurs savent qu’une « malédiction les a frappés » (p. 11), se référant au déclin de leur population (p. 96). Ils sont près de l’extinction à cause de la perte de leur habitat. C’est pour cela que Hermann Fiesch leur a aménagé des nichoirs dans l’église qu’il occupe et qu’il veut transformer en zoo.

Alors qu’ils devraient partir en migration vers le sud, les oiseaux traînent dans leur refuge. Ils sont inquiets et se savent menacés, cloués sur place : « Depuis la pleine lune, la maladie court, des oiseaux s’effondrent en plein vol dès qu’ils traversent ces étranges nuages filamenteux qui bloquent l’horizon » (p. 29). Ils attendent qu’une pluie leur permette de s’envoler enfin vers le sud, tout en étant témoin des événements en cours.

Premières victimes (après les insectes, quand même) de la menace environnementale qui plane sur le village de Ham-Sud, et qui bientôt s’étend aux bêtes qui meurent dans les champs et aux humains qui souffrent de symptômes physiques inexpliqués (maux de tête, vomissement, etc.), les oiseaux dans ce roman rappellent fortement un des ouvrages clés du mouvement environnemental des années 1960. En effet, le parallèle avec Silent Spring de Rachel Carson (1962) est difficile à rater. Ham-Sud est transformé en « campagne silencieuse qu’aucun piaillement d’oiseaux n’égaie » (p. 46). Comme chez Carson, c’est à un pesticide qu’est dû ce silence, pesticide testé illégalement, moyennant des sommes illégales versées à des politiciens corrompus, sur des villages dévitalisés.

Si l’idée d’inclure la perspective des oiseaux dans le roman est pertinente, j’ai trouvé leur personnification, en revanche, un peu moins réussie. Les noms propres qui leur sont donnés ainsi que les réactions et sentiments très humains qui leur sont prêtés ajoutent une touche un peu « Dysney » à l’ensemble. Malgré cela, ces oiseaux symbolisent un changement majeur qui teinte tout l’ouvrage : « la nature se dérègle et plus rien n’est certain, ni les corridors de vent à emprunter ni les haltes capables de les ravitailler. Quand elle existe, la nourriture est souvent empoisonnée » (177). Ce danger qui les guette ne concerne pas qu’eux : les humains aussi sont à risque.

Entre une mairesse trompée, des conseillers corrompus, des citoyens enragés et des sociopathes meurtriers, l’espoir semble mince pour les personnages humains du roman, si ce n’était d’une petite utopie que les martinets découvrent à leur retour au printemps, à la toute fin du roman (utopie par laquelle est d’ailleurs passée Jessica quelques années auparavant) À Saint-François, pour saint François d’Assise, une petite ferme biologique abrite une communauté qui pratique l’agriculture à échelle humaine, avec une serre dans laquelle pousse des légumes d’hiver et un tas de compost des champs de fraises. Voilà l’endroit que Jessica regrette d’avoir quitté et où s’installeront les martinets pour l’été.