J’ai pris le temps cet été de me poser, d’arrêter ce que je faisais et de profiter de la vie. C’est donc avec joie que je me suis rendue de nouveau à Kuujjuaq en juillet. Visiter ma cousine Annie et revoir tout ce beau monde du Nord a été une fois de plus merveilleux. J’ai eu l’idée de vous présenter quelques articles sur des sujets spécifiques. Aujourd’hui, je vous parle du système alimentaire à Kuujjuaq.

Un été tardif

Malgré la vague de chaleur qui a déferlé sur le Sud du Québec, l’été s’est fait attendre plus longtemps que l’année dernière à Kuujjuaq. Aussi, je suis arrivée au printemps plutôt qu’en été, même si nous étions en juillet. Sur les bords du lac Steward, où nous sommes allées pique-niquer, on pouvait encore voir flotter un peu de glace. Les morceaux qui s’entrechoquaient produisaient d’ailleurs une jolie musique, tout en douceur.

L'été à Kuujjuaq

Dans ces conditions, on peut se demander à quoi se résume la période « agricole » dans le Nunavik (région du Québec à ne pas confondre avec le Nunavut, le territoire – et non province – généralement située au-dessus du 60e parallèle). Peut-on seulement y cultiver quelques fruits et légumes? En cueillir? Qu’y trouve-t-on d’autres, en 2018? Bref, qu’est-ce qu’on mange à Kuujjuaq?

Cultiver en climat nordique

Kuujuaq est une ville d’environ 2500 habitants située à la frontière entre la taïga et la toundra. La température moyenne y est entre 11 et 11.8 degrés Celsius en juillet et août (les nuits sont plus fraîches) et la durée de l’été, d’environ huit semaines. Le sol est gelé en permanence (pergélisol), quoiqu’avec les changements climatiques cela pourrait être amené à changer.

Kuujjuaq été

Oui… de la neige, même en juillet!

Ce climat plutôt froid ne convient donc pas trop aux cultures extérieures. Malgré cela, je me rappelle avoir lu, au cours de mon bac en littérature québécoise, des relations de voyages datant des 17e et 18e siècles. Ces textes racontaient que les Européens arrivaient à faire pousser quelques légumes à Fort Chimo, principalement du chou. Pour le reste, le manque de lumière et la courte saison de croissance ne permet pas vraiment de cultiver des fruits et légumes, du moins pas à l’extérieur.

Nourriture traditionnelle vs épiceries locales

Faire venir de la nourriture vers le Nord, que ce soit par bateau ou par avion, coûte très cher. Heureusement, les fruits, légumes, œufs et autres denrées que le Sud considère « de base » sont en partie subventionnée par le gouvernement dans le but de les rendre plus accessible.

Malgré cela, les produits de la chasse et la pêche occupent encore une grande place dans l’alimentation du Nord, autant dans celle des Qallunats* (d’après ce que j’ai pu constater sur place) que dans celle des Inuits. Ça tombe bien, parce que le Nunavik est une terre d’abondance, surtout en gibier. Truite, saumon, omble de l’arctique, phoque, caribou, oiseaux : encore aujourd’hui, ces animaux fournissent une nourriture de premier choix aux habitants du Nord. D’ailleurs, les journées de pêches sont aussi très populaires ici auprès des Qallunats, tout comme la pêche en rivière.

À la pêche, l'été, à Kuujjuaq.

Une journée de pêche, quelque part vers la Baie d’Ungava.

Ainsi, « la majorité (68 %) des Inuits adultes vivants à Inuit Nunangat ⌊le territoire inuit⌋ participaient à la récolte et la chasse d’aliments traditionnels locaux comme le phoque, la baleine, le canard, le caribou, le poisson et les baies. Ces aliments demeurent une source alimentaire importante pour beaucoup d’Inuits. En effet, 65 % des ménages disent que la moitié de leurs viandes et poissons proviennent de sources locales[1]. »

Parce qu’on ne peut pas manger que de la viande, la nourriture venant du Sud est rentrée dans les vies et les mœurs de bien des foyers nordiques à travers les épiceries locales. On en trouve deux principales à Kuujjuaq. Malheureusement, la malbouffe et l’alcool sont aussi très populaire. Et ils coûtent très cher.

Faire pousser du vert

Difficile d’avoir un potager dans le Nord, n’est-ce pas? Pourtant, à Kuujjuaq, c’est possible! Je vous parlais l’année dernière des serres de la municipalité dans cet article. J’ai encore eu la chance d’aller les visiter cette année et même de participer à quelques soirées typiques de récolte.

La serre de Kuujjuaq

La serre de Kuujjuaq

Si quelques lots sont cultivés par des individus choisis au hasard au début de la saison, d’autres sont mis en collectif pour faciliter leur entretien. Ainsi, on choisit une ou deux variétés de légumes par lot, que l’on sème avec de nouveaux semis chaque fois que leurs légumes sont récoltés. Des équipes prennent le relais pour arroser les plants et les participants qui se présentent pour la récolte repartent avec leurs sacs pleins de légumes frais.

Kuujjaq serre été

Un partie des paniers récoltés le soir où j’ai visité la serre.

Laitues, bok choi, rabioles, betteraves, fines herbes, rhubarbe et plus encore s’entassent dans les paniers avant d’être séparés. C’est tout en couleur et de toute beauté! Avec ces serres, les participants, surtout composés de Qallunats, sont capables de recueillir une quantité impressionnante de nourriture fraîche et surtout gratuite.

J’ai aussi rencontré beaucoup de Qallunats qui cultivaient des pousses (luzerne, graines de tournesols, etc.) et des fines herbes à la maison, une belle façon d’ajouter du goût, des vitamines et de la fraîcheur à ses repas. Et je dois qu’à Kuujjuaq, les Qallunats sont souvent de vrais foodies!

Kuujjuaq été

Nous avons organisé un concours de tartare, avec de l’omble de l’arctique et du saumon fraîchement pêchés.

Des occasions de goûter à la nourriture inuite

Grâce à Facebook et à des groupes tel que Kuujjuaq Sell/Swap (à vendre et à échanger), j’ai réussi à goûter à quelques recettes inuites, comme le Suvalik. Ce dessert est traditionnellement fait de « blackberries » (qui poussent d’ailleurs sur le land), de gras de phoque et d’œufs de poisson. Dans la version contemporaine, on remplace souvent le gras de phoque par du shortening végétal.

Kuujjuaq été met traditionnel

J’ai aussi pu me procurer du « Kavisilik pitsik’s », un poisson séché et légèrement fumé. J’ai adoré! Je crois qu’il s’agissait de truite, mais je ne mettrais pas ma main au feu là-dessus. En plus d’être une merveilleuse occasion de découvrir la nourriture locale, ces échanges peuvent créer de belles rencontres et, qui sait, servir de ponts pour rapprocher les Inuits et les Qallunats.

 Kuujjuaq été

Je m’arrête ici pour cette première chronique Kuujjuaq, été 2018, mais je vous en promets d’autres très bientôt! N’hésitez pas à partager et à suivre ma page Facebook!

Et je vous invite aussi à laisser un commentaire! Avez-vous déjà visité Kuujjuaq ou une autre ville du Nord? Qu’avez-vous goûté ou observé à propos du système alimentaire nordique?

* Qallunats est le nom donné aux gens du Sud qui travaillent dans le Nord.

[1] https://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/inuit/.