Alastair Bonnett est professeur de géographie sociale à l’Université de Newcastle en Angleterre. Le 4e de couverture de son dernier livre, Atlas de notre temps. La planète comme vous ne l’avez jamais vue, publié aux Éditions de l’Homme, nous apprend qu’il a écrit des articles aussi bien sur la population mondiale que sur la nostalgie. Déjà, il avait gagné mon cœur.

Je crois en effet que l’interdisciplinarité est essentielle pour comprendre le monde. Cet atlas nous le prouve bien, en nous montrant la Terre sous bien des angles.

La planète Terre

Les magnifiques cartes que cet ouvrage contient « sont des outils incroyablement efficaces pour comprendre les grands défis auxquels nous sommes confrontés et, par conséquent, mieux cibler les solutions » (p. 6), écrit Bonnett en guise d’introduction. Ces représentations de la Terre généralisent certes des phénomènes en gommant parfois certains détails, mais elles donnent par le fait même une vision d’ensemble instructive et fascinante du monde en cette ère de connexion globale. Un exemple? À la page 24, vous pourrez visualiser l’influence d’IKEA sur le paysage.

Des connexions, encore des connexions

En effet, les connexions que nous révèlent ces cartes sont époustouflantes. Elles sont le fruit de million d’heures de travail. C’est pourquoi Bonnett écrit que cet atlas est en quelque sorte un hommage aux scientifiques et chercheurs qui compilent un nombre inimaginable de données. Ces dernières nous permettent de relier entre elles un nombre incalculable de variables.

Atlas de notre temps, Alastair Bonnett

En tout, cinquante cartes basées sur des recensements, compilations et explorations nous montrent la planète comme nous ne l’avons jamais vue. Elles sont classées en trois catégories : le monde physique, politique et social. Qu’ont-elles à nous dire? Bien des choses. Tout d’abord, chacune d’elle est accompagnée d’une légende, bien sûr, mais aussi d’un texte explicatif. Chacun souligne l’origine de la carte en question ainsi que les conclusions qui s’y rattachent.

Terre, air et mer

Presque partout on peut voir sur ces cartes l’action humaine modifier des modèles qu’on pensait parfois stables. C’est le cas notamment des incendies. Ces phénomènes naturels ont été profondément transformés par la distribution humaine (la densité de population, le béton des villes, etc.) et les efforts pour les prévenir dans les zones habitées. Résultat? Lorsqu’ un incendie se déclare, les combustibles disponibles au sol sont en si grande quantité que les feux brûlent avec une intensité infernale.

Atlas de notre temps, Alastair Bonnett, Éditions de l'Homme

D’autres cartes nous montrent notre vulnérabilité pays par pays. Par exemple, les impacts d’astéroïdes sont aléatoires. Ils touchent toutes les parties du monde sans aucune discrimination. Au contraire, les désastres naturels – tremblements de terre, sécheresses, typhons, etc. – qui peuvent se transformer en catastrophes touchent davantage certains pays. Il ne s’agit pas toujours des moins riches. Le manque de ressources et de technologies ou encore une densité de population élevée ou une situation démographique vieillissante sont aussi des facteurs importants.

Heureusement, certaines cartes nous font plutôt rêver, comme celle des « Océans inexplorés ». De quoi réveiller l’exploratrice qui sommeille en nous.

Énergies et changements climatiques

Dans cette première partie, « Terre, air et mer », j’ai trouvé la carte « Énergie nucléaire et énergies renouvelables » fascinante. Certes, le Canada s’y démarque. 81,6% de notre énergie provient d’énergies renouvelables, surtout grâce à l’hydroélectricité, et ce malgré les sables bitumineux. Mais certaines parties du monde atteignent le 90% et plus. Ainsi, 100% de l’énergie utilisée au Costa Rica et au Lesotho utilisent provient d’énergies renouvelables. C’est là qu’on peut voir l’importance de la volonté politique et citoyenne sur ces questions, mais aussi parfois des possibilités offertes ou non par la géographie d’un lieu.

D’autres cartes de cette section sont moins encourageantes, voire plutôt inquiétantes. « Pollution de l’air », « Anomalies de températures » et « Variations du niveau des mers » n’en sont que quelques exemples. Et puis il y a cette infâme carte : « Continents de plastique ». Il y aurait CINQ (même que certains scientifiques parlent de sept) immenses continents de plastique dans les océans du monde. Quelle horreur!

Continent de plastique en formation.

Au large de l’île de Roatan, au Guatemala, un étendu de plastique se forme, dénoncé dans un post de Caroline Power.

Ces cartes rendent visibles et donc plus concrets certains risques résultant des changements climatiques. Ces risques commencent déjà à augmenter de façon significative un peu partout sur la planète, de quoi faire réfléchir les plus sceptiques comme les plus indifférents.

Mondes humain et animal

Cette deuxième section du livre nous montre la richesse de la biodiversité du monde ainsi que les transformations qu’elle subit. Certaines créatures, comme les amphibiens, sont très sensibles aux changements environnementaux. Ils fournissent de précieuses données sur l’état de certaines régions du monde. La carte des fourmis, quant à elle, recèle de surprises que je vous laisse découvrir. Et peut-être voudrez-vous jeter un coup d’œil à la carte des « Créatures venimeuses » avant de planifier votre prochain voyage!

Amphibien

Cette section est aussi à propos des êtres humains, habitants parmi d’autres de la planète. Ainsi, c’est malheureusement sans surprise que la carte « Empreinte écologique » nous révèle que le Canada et les États-Unis font partie des cinq pays à l’empreinte écologique la plus élevée, avec les Émirats arabes unis, la Norvège (celui-là m’a surprise) et la Nouvelle-Zélande. Mais le contraste avec la carte du « Bonheur » (un indice basé sur une auto-évaluation de la pire ou meilleure vie possible) m’a beaucoup fait réfléchir… je vous laisse tirer vos propres conclusions.

Mondialisation et connexion

Cette troisième et dernière série de cartes est remplie de… poésie. Ces millions, voire milliards de connexions, illustrées par de minces filaments blancs (voir par exemple « Relations Twitter ») nous rappellent à quel point les êtres humains ont un fort besoin d’appartenance.

Relations Twitter, Atlas de notre temps, Alastair Bonnett

Et en 2017, la maison n’est plus seulement le village, la ville ou le pays, mais plutôt la Terre tout entière. Enfin, pas tout à fait… En effet, certains pays moins prospères, notamment ceux de l’Afrique sub-saharienne, ne peuvent pas vraiment (ou peu) prendre part à la cyber discussion globale, faute d’accès aux technologies.

Conclusion : une Terre, plusieurs habitants

Je m’arrête ici, presque à regret, car je pourrais continuer à vous parler de ces cartes pendant des pages et des pages. Comme l’écrit Bonnett dans son introduction, ces images ne sont pas que des outils; elles sont aussi « belles, stimulantes, fascinantes » (p. 6). Certaines sont poétiques, d’autres, presque terrifiantes. Elles nous parlent d’injustice, mais aussi de paix et de communication. Enfin, toutes traitent de notre relation à la planète Terre et à ses habitants, humains comme non-humains.

Un atlas de toute beauté qui fera bien des heureux sous le sapin. Surtout, il contribuera à réveiller, je l’espère, une curiosité nécessaire pour le monde et ses occupants.

Atlas de notre temps, Alastair Bonnett, Éditions de l'Homme

Alastair Bonnett, Atlas de notre temps. La planète comme vous ne l’avez jamais vue, trad. de l’anglais par Christophe Canus, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2017.

(49,95$)