2017 n’aura pas été ma meilleure année. Même au jardin, j’ai eu une catastrophe. Ma récolte d’ail s’est mystérieusement mise à pourrir. J’ai aussi été attaquée par une armée de petites mites, en fait des teignes du poireau. Que s’est-il passé? Récit d’une fâcheuse rencontre.

Chaque année depuis environ sept ou huit ans, je plante un champ d’ail à la cabane à sucre. Nous avons affectueusement appelé cette plantation Chant’Ail – on essaie d’inclure tous les noms de ma famille (c’est surtout Patrick qui trouve ces noms). Celui-là était pour ma sœur Chantale, qui d’ailleurs ne pourra pas en profiter de sitôt!

Plantation d'ail en mai.

En mai, tout s’annonçait bien.

Ma plus belle récolte

2017 s’annonçait pourtant bien. C’était ma plus belle plantation, avec tout près de 425 têtes d’ail. J’aime la variété Music; c’est de loin ma préférée. Elle est facile à cultiver et offre un excellent rendement. Chacune de ses deux à cinq grosses gousses remplace facilement deux à trois gousses de ces pauvres variétés asiatiques vendues dans les grandes épiceries. Vraiment, l’ail bio du Québec est imbattable!

J’avais acheté mes premières gousses d’ail Music à planter d’un cultivateur de Chesterville, Normand. Une pancarte à l’entrée de sa cour indiquait « Ail à vendre ». J’avoue que c’est mon ex, James, qui a pris l’initiative d’aller le voir et de lui demander des conseils. C’était une excellente idée. Non seulement l’ail de Normand était-elle bio, mais il pratiquait la permaculture et n’utilisait aucun engin à moteur.

Plantation d'ail en juin.

Juin. Ça continue de bien pousser!

Ensuite, chaque année, j’ai gardé une bonne partie de ma récolte pour replanter à l’automne. Les têtes que je gardais se conservaient facilement jusqu’au printemps, voire même jusqu’à ce que l’autre récolte soit prête en juillet.

De temps en temps, j’appelais Ginette (aka Gigi), mère de mon ami David et surtout jardinière expérimentée et généreuse de ses conseils, pour avoir de l’information supplémentaire. Dois-je enlever les feuilles qui recouvrent les plants au printemps? Est-ce le temps de couper la fleur? J’ai la mémoire courte et je lui repose les mêmes questions année après année.

Fleurs d'ail et chanterelles.

Le jour où j’ai récolté la fleur d’ail, j’ai aussi trouvé une belle talle de chanterelles.

Puis, fin juillet, en rentrant de Kuujjuaq, le temps est venu de récolter l’ail – la plus belle récolte à ce jour! Bref, tout allait bien. Ou plutôt, tout avait l’air de bien aller…

Ma récolte d'ail 2017

Mon bel ail Music,

Regardez-moi la taille de cet ail! J’étais si fière!

Une mauvaise surprise

Jusqu’à ce que je vende quelques tresses à des amis. Rendu là, mon ail séchait gentiment dans la cabane depuis déjà trois ou quatre semaines. Mes acheteuses m’ont vite contactée, avec inquiétude plutôt que pour un remboursement, pour me dire que les gousses étaient pourries à l’intérieur. De l’extérieur, tout avait l’air beau. Elles étaient fermes et rien ne me laisser suspecter un tel dénouement. Mais à l’intérieur, elles étaient grises et pleines de moisissures à la texture cotonneuse.

Ail qui sèche dans la cabane.

Ail qui sèche dans la cabane.

On a d’abord accusé l’humidité dans la cabane fraîchement isolée. Mais lorsque j’ai voulu décrocher les tresses, j’ai été « attaquée » par une armée de petites mites. Mes plants d’ail avaient eu de la visite pendant l’été. Après avoir consulté quelques sources, j’ai pu confirmer de quoi ou plutôt de qui il s’agissait : la teigne du poireau.

Il s’agit d’une espèce envahissante non indigène d’origine européenne. On a commencé à la voir en Ontario au début des années 1990 et au Québec vers 2007. À l’image des globetrotters, ce vilain petit insecte (je sais qu’il n’est pas vraiment méchant) a bien voyagé; on le retrouve maintenant sur tous les continents et même jusqu’à Hawaii!

Teigne du poireau.

La « vilaine » bête.

En gros, c’est le cœur de la plante qui est atteint après que les feuilles aient été un peu grignotées elles aussi. Les larves se creusent des galeries, laissant derrière elles des traînées d’excréments roux.

Ail et teigne du poireau.

Je vous mets une photo pour que vous puissiez l’identifier, si jamais cela vous arrivait.

C’est assez disgracieux je dois dire. Puis, après s’être bien gavées pendant plusieurs semaines, les larves remontent à la surface pour se construire un cocon à mailles lâches qui, ma foi, est plutôt joli. On dirait du macramé.

Cocon de la teigne du poireau.

Mieux vaut prévenir…

Heureusement, certaines pratiques peuvent aider à ramener la population de cet insecte à un niveau non dommageable. Outre le fait de sauter une année (ce que j’ai décidé de faire), voici ce que suggère le Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des affaires rurales de l’Ontario (OMAFRA) :

  • la rotation des cultures;
  • le report des semis;
  • l’enlèvement des vieilles feuilles et de celles qui sont infestées;
  • la destruction des pupes ou des larves;
  • la récolte hâtive (afin d’éviter les dommages causés par les larves de la dernière génération et par le gonflement des populations);
  • le positionnement des cultures sensibles à l’écart des zones infestées;
  • la destruction des débris de culture après la récolte.

Une autre option pour prévenir les dommages consiste à recouvrir les plants en croissance d’un minitunnel léger. En effet, les insectes adultes, appelés « noctuelles », peuvent survivre à l’hiver et revenir l’année suivante, en plus d’avoir jusqu’à trois générations par année. On peut retirer les tunnels pendant le jour et les remettre le soir venu.

Un exemple de tunnel. Photo : OMAFRA

photos : OMAFRA

Trop tard pour moi. J’aurais pu sauver une bonne partie de ma récolte si j’avais su pour la récolte hâtive. Encore aurait-il fallu que je sache reconnaître les signes d’infestation. Les voici. Ils sont tous causés par les larves qui créent des « fenêtres » dans les feuilles et parfois sur la tige des fleurs.

Les premiers plants que j’ai retirés à la mi-juillet n’avaient presque pas été affectés. Les gousses se sont très bien conservées jusqu’à maintenant, à part quelques-unes. Par contre, le plus gros de la récolte (au moins 95%) a été ramassé à la toute fin du mois de juillet avec l’aide de mes sœurs et de ma mère (merci encore!). Il était hélas trop tard, même si je n’ai découvert le pot aux roses que quelques semaines plus tard, quand je pensais mon ail bien sec et prêt à être entreposés.

Passer à autre chose

Après avoir sauvé quelques gousses (un mince 5% tout au plus), il ne me restait plus qu’à mettre en œuvre la dernière de ces recommandations… une opération qui m’a un peu brisé le cœur, je l’avoue. Mais c’est la vie! On ne peut pas tout contrôler, surtout pas dans la nature. C’est donc avec une résignation sereine que j’ai regardé mon ail brûler tandis que nous faisions fumer du saumon dans notre fumoir artisanal, mes amis et moi.

On brûle la récolte d'ail...

On brûle la récolte d'ail.

On fait du fumoir tout en brûlant la récolte d'ail infestée par la teigne du poireau.

De gauche à droite : David, Ulric, Isaac, Emma le chien, Patrick et Julie.

Contre toute attente, l’odeur n’était pas désagréable du tout. Au contraire. On aurait dit qu’on préparait un bon repas. Le poisson fumé, lui, fût exquis, comme d’habitude.

Merci à tous ceux et celles qui ont participé à la récolte d’ail, de la plantation en octobre 2016 jusqu’à l’élaboration du bûcher que Patrick a dramatiquement surnommé le « Jeanne d’Ail ». Merci aussi à Bruno Fréchette de m’avoir renseignée sur le sujet et d’avoir identifié la « bête ».

Sources 

http://www.omafra.gov.on.ca/french/crops/facts/08-010.htm.

http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Regions/monteregie/articles/production/Pages/La_lutte_a_la_teigne_du_poireau_le_defi_des_petites_superficies.aspx.