Quand on parle de gaspillage alimentaire, force est de reconnaître qu’il y a encore beaucoup de travail à faire; en effet, il s’agit en fait d’une tâche colossale et d’un enjeu majeur en ce début de 21e siècle. Près de 40% de la nourriture produite dans le monde est jetée, selon un rapport de l’ONU [1]. Et on se doute bien quels pays sont les plus gaspilleurs. Les Canadiens ont aussi cette mauvaise habitude.

Qui plus est, selon Recyc-Québec, 47% du gaspillage alimentaire se fait à la maison [2]. Dans notre vie quotidienne, où tout va si vite, ce n’est pas tout le monde qui a le temps de faire ses conserves, ses fermentations ou encore de revenir à des méthodes de conservation des aliments plus traditionnelles.

Dans cette série d’article, je vous parlerai de quelques méthodes pour réduire le gaspillage alimentaire, comme par exemple acheter moins et plus souvent, apprendre à conserver ses aliments et plus encore. Aujourd’hui, je commence avec une option rapide qui permet d’allonger la durée de vie des aliments achetés à l’épicerie.

Le Projet 9

Projet 9 logo HPP

Le Projet 9 est né du désir de réduire le gaspillage alimentaire. Lancé par le Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ), en collaboration avec Recyc-Québec, il rassemble des producteurs qui ont pris un virage technologique pour augmenter la durée de conservation de leurs aliments. Grâce à une méthode appelée Hydro Procédé de Protection (HPP – aussi pour High Pressure Processing), la durée de conservation de ces denrées est augmentée d’environ trois fois, voire même plus.

En résumé, il s’agit de soumettre des produits emballés sous vide à une très haute pression sous l’eau froide (87 000 psi), soit davantage que dans les plus profonds abysses marins connus! Ce procédé tue les bactéries contenues dans les aliments en quelques minutes et augmente la durée de vie des produits tout en conservant leur valeur nutritive.

Charles-Lavigne-directeur-scientifique-CDBQ. Photo : Projet 9

Charles-Lavigne-directeur-scientifique-CDBQ. Photo : Projet 9

Ma première réaction a été, je l’avoue, le doute : est-ce vraiment avantageux d’un point de vue environnemental? Après tout, on sait que la technologie n’a pas la réponse à tout et qu’elle a même contribué à nous rendre dans le pétrin où nous sommes – je parle de la crise environnementale. Elle n’est définitivement pas la solution à tous nos problèmes.

Malgré cela, je crois que le projet peut effectivement contribuer à réduire le gaspillage en allongeant la durée de vie des aliments et ce sans ajouter des produits chimiques. Bien entendu, comme toute autre méthode, elle a des avantages et des inconvénients. Voici mes honnêtes et modestes réflexions sur le sujet.

Les avantages

Premièrement, acheter des produits qui se conservent plus longtemps, ça veut dire pour plusieurs moins de voyages à l’épicerie. Bien sûr, on entend souvent, avec raison, qu’il vaut mieux acheter moins et plus souvent. C’est relativement facile à Montréal où tout ou presque peut se faire à pied ou en vélo; c’est autre chose si on habite en région et qu’on doit prendre la voiture pour aller faire les courses.

Ainsi, pour celles et ceux qui privilégient l’achat en grande quantité (par exemple les familles), cette option peut être intéressante. À titre d’exemple, les viandes hachées soumises à ce processus se conservent 60 jours au frigo au lieu de 72 heures. Pour les charcuteries, on passe d’environ 30 jours à 90 jours. Parmi les producteurs qui participent au projet, on retrouve notamment les viandes biologiques duBreton.

Deuxièmement, ce procédé permet de remplacer la pasteurisation. Qu’est-ce que ça veut dire? En gros, lors de la pasteurisation, une grande partie des vitamines et antioxydants contenus dans les produits sont détruits. Avec la méthode HPP, ils sont conservés. Au final, la durée de vie de ces produits reste la même que pour ceux pasteurisés, sauf qu’on se retrouve avec des produits plus riches en certaines composantes. Dans cette catégorie, on retrouve des smoothies, boissons énergisantes et jus crus et biologiques tels que ceux proposés par Plein Jus.

Plein Jus, Projet 9 HPP

Troisièmement, c’est une entreprise de Saint-Hyacinthe, Naturel HPP, qui offre cette technologie au Québec. Cette compagnie locale est l’unique fournisseur canadien ayant reçu un accord fédéral lui permettant d’utiliser cette approche. À ce jour, une dizaine de producteurs québécois ont décidé d’utiliser ce procédé. On les reconnaît en épicerie grâce à un autocollant bleu illustrant une goutte d’eau.

Projet 9 logo HPP

Finalement, ce procédé permet de réduire, voire dans certains cas d’éliminer complètement certains additifs et agents de conservation chimiques fréquemment ajoutés à plusieurs aliments.

Les « hics »

Comme bien peu de méthodes sont parfaites, il me semble juste de parler aussi de l’autre côté de la médaille. Dans ce cas-ci, tous les emballages que j’ai vus sont en plastique. C’est en effet une condition pour que ces produits puissent être soumis au processus de haute pression sous l’eau. C’est donc moins intéressant pour celles et ceux qui tendent vers le zéro déchet, même si ces emballages se recyclent.

Autre réflexion : Certaines compagnies participantes ajoutent quand même des agents de conservation comme les nitrites et les nitrates dans leurs produits, des additifs que le Fonds Mondial de Recherche contre le Cancer avait recommandé de limiter dans un rapport publié en 2007.

Certes, certains ingrédients utilisés dans la conservation « naturelle » des aliments, tels le citron et l’extrait de céleri, contiennent eux aussi des nitrites de façon naturelle. Quand même, les viandes biologiques traitées avec ces agents renfermeraient environ quatre fois moins de nitrites et nitrates que celles auxquelles on en a ajoutés [3].

Yulife, Projet 9 HPP

Voilà qui résume mes réflexions sur le sujet. Et vous, qu’en pensez-vous? N’hésitez pas à me laisser vos commentaires ci-dessous. Si cette option est pour vous, soyez à l’affût du logo bleu dans les épiceries.

Dans les prochaines semaines, je continuerai dans cette série « Réduire le gaspillage alimentaire » à vous parler de différentes méthodes de conservation des aliments qui permettent d’éviter ou à tout le moins de diminuer la quantité d’aliments qui prend le chemin du compost ou, pire, de la poubelle.

À suivre!

 

Notes :

[1] Département des affaires économiques et sociales de l’ONU (DESA), Perspectives de la population mondiale : la révision de 2017, Centre d’actualité de l’ONU, New York, juin 2017.

[2] https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/haut-de-page/salle-de-presse/archives-presse/2016-gaspillage-alimentaire.

[3] http://www.canalvie.com/sante-beaute/nutrition/infos-et-conseils/charcuteries-sans-nitrite-1.808637.