J’avais toujours rêvé d’aller dans le Grand Nord. Une fascination qui me vient de mon enfance, mais aussi peut-être de ma lecture des romans d’Yves Thériault ou encore de ma rencontre, il y a quelques années, avec Jean Désy, ce médecin-poète amoureux du Nord.

Quoiqu’il en soit, quand ma cousine Annie m’a invitée à aller la visiter, j’ai tout de suite accepté (merci encore cousine!). J’ai choisi le mois d’août pour ce court périple. La raison est que je voulais découvrir la nature de cet environnement extrême pendant que la vie y battait son plein.

Kuujjuaq

La rivière et sa nature

En débarquant de l’avion, j’avais mon filet à moustique caché sous le bras, prêt à être déployé à toute vitesse. Je m’imaginais sincèrement qu’une horde de maringouins sanguinaires se jetterait sur moi sitôt que j’aurais mis le nez dehors. Pourtant, rien. Aucun moustique en vue. Ça commençait bien!

Il a fait beau et quand même chaud. Un ou deux après-midis, j’ai même osé me mettre en camisole et me tremper les pieds dans la rivière qui borde le village. Le mercure atteignait parfois les 21 ou 22 degrés Celsius. Je pense que j’ai attrapé les journées les plus chaudes de l’été. Les berges de la rivières étaient pleines de vie.

Kuujjuaq

Kuujjuaq

Kuujjuaq

Kuujjuaq

Promenades dans le land

Puisque Annie travaillait, mes journées consistaient principalement à aller promener les chiens dans les terres qu’on appelle simplement le land. J’ai pu y voir toutes les beautés dont recèle l’été nordique.

Marcher dans le land s’est avéré 1000 fois plus beau que ce à quoi je m’attendais. La variété des plantes, lichens, champignons, fruits et même arbres que j’ai vus n’a pas cessée de m’impressionner. D’accord, quelques mouches noires ici et là m’ont pourchassée, mais rien pour faire faire demi-tour. Une seule fois peut-être j’ai eu envie de rebrousser chemin, dans la forêt. On a fini ça à la course!

Kuujjuaq

Kuujjuaq

Ces petites baies servent à faire des confitures.

Du thé du Labrador en fleurs.

kuujjuaq

La pêche, loin de tout

En plus de ces promenades quotidiennes, j’ai eu la chance de participer à un voyage de pêche qu’avait organisé Annie et ses amis. On s’y rend en hydravion, survolant des centaines de lacs aux formes variées. L’étendue de terres que l’on voit défiler sous nos yeux donne presque le vertige.

pêche à Kuujjuaq

Le pilote a laissé notre groupe sur le bord du lac, après avoir déchargé les bagages de la journée. J’aurais cru que nous voyagerions plus léger, mais non! Il nous a très vaguement indiqué le chemin à suivre (quel chemin?) pour se rendre à une rivière aux eaux remplies de truites. Malgré les instructions très approximatives, nous nous sommes bien rendus, grâce à Gilles qui connaissait le coin.

Pêche à Kuujjuaq

Pour arriver aux berges, nous avons traversé des champs de thé du Labrador. Il y en avait à perte de vue, tellement que j’ai envie de parler d’océans de thé du Labrador. J’exagère un peu, mais à peine. J’en ai cueilli en marchant, sans même devoir m’arrêter. Son odeur qui rappelle le sapinage et l’eucalyptus nous a accompagnés toute la journée.

Sur le bord de la rivière, nous avons pu pêcher une quantité assez phénoménale de truites rouges, grises et mouchetées. Par contre, je n’ai pas eu de chance avec ma ligne. Je crois que le fil était trop vieux; il était sec et cassant. Erreur de débutante. J’ai quand même pu rapporter quelques beaux poissons (merci à mes compagnons de m’en avoir donnés) que Marc avait scellés sous vide et congelés pour nous (merci Marc!).

Pêche à Kuujjuaq

Étudier le Nord 

Me promener et pêcher n’ont pas été les seules activités qui m’ont occupée. En bonne doctorante, j’étais à l’affût de toute activité académique à la ronde. Ainsi, en l’espace d’une courte semaine, j’ai pris connaissance d’au moins trois projets universitaires en cours à Kuujjuaq.

Tout d’abord, en marchant dans le land, je suis tombée sur ce panneau de l’Université de Trois-Rivières :

Kuujjuaq

Je n’ai pas récolté plus d’information à ce sujet. Si j’en obtiens, j’en parlerai peut-être dans un autre article.

Ensuite, j’ai pu faire la connaissance de Pierre Courtin, un étudiant à la maîtrise de l’Université d’Amsterdam. Originaire de la Belgique, il était venu à Kuujjuaq pour étudier les effets concrets des changements climatiques sur la population inuite. Or, il s’est buté à tellement d’obstacles une fois sur place qu’il a finalement changé de sujet. Il vient tout juste de terminer sa maîtrise (félicitations!), qui a porté sur les raisons pour lesquelles les Qallunaats (les non-Autchotones) vont dans le Nord.

Kuujjuaq

De gauche à droite : Pierre, Thierry et Annie. Nous avons trouvé qu’ils ressemblaient à un band islandais sur cette photo!

Finalement, j’ai pu aller visiter les serres de Kuujjuaq dont je vous reparlerai plus longuement dans un article à venir. C’est une initiative conjointe entre le village, le gouvernement du Québec et l’Université de Montréal qui y mène des recherches. Les lots sont tirés au sort parmi celles et ceux qui postulent. J’ai eu beaucoup de plaisir à aller m’occuper du jardin à Annie et Thierry, surtout qu’ils m’ont laissé carte blanche! Wouhou! J’ai tout arraché (je blague).

Serres de Kuujjuaq

Serres de Kuujjuaq

Serres de Kuujjuaq

Rencontres avec les Inuits

Ce que je retiens de mes discussions (surtout avec des Qallunaats), c’est que les Inuits de Kuujjuaq en ont parfois assez de se faire étudier. Participer à des sondages, répondre à des questions, rencontrer des chercheurs : tout cela demande du temps. Et que leur donne cette recherche en retour? Pas toujours quelque chose, apparemment.

En effet, l’une des raisons rapportées par un des chercheurs pour expliquer la difficulté à entrer en contact avec les Inuits m’a laissée perplexe. On ne leur communique presque jamais les résultats de ces recherches, lui a-t-on dit. Comment est-ce possible? Si c’est le cas, c’est en effet assez déplorable. À garder en tête pour tous ceux et celles qui font de la recherche. Je vous encourage à garder les lignes de communication ouvertes!

Serres de Kuujjuaq

Dans les serres de Kuujjuaq, on pense à ce qui s’en vient après.

J’ai pu m’entretenir surtout avec des gens du Sud parce qu’à Kuujjuaq, malgré plusieurs efforts, le clivage culturel entre Autochtones et non-Autochtones existe encore. Il est même palpable par moment.

Kuujjuaq

Un soir dans un bar, j’ai eu la chance d’assister à une démonstration de chants de gorge traditionnels. C’était de toute beauté. Malheureusement, le propriétaire du bar a vite demandé à ce que le band francophone et non-Autochtone qui jouait reprenne la scène…

Réconciliation et humour

J’ai quand même pu discuter avec l’une des chanteuses, Nancy Saunders, une artiste bien connue, installée à Montréal mais originaire de Kuujjuaq. Elle a peint plusieurs murales dans sa ville natale. Elle m’a parlé d’art autochtone et de réconciliation. Je l’en remercie encore. Une semaine, c’est bien court pour connaître des gens; c’est bien trop bref pour établir des liens de confiance. Et c’est correct ainsi. Surtout avec des gens devenus à la longue parfois méfiants devant des va-et-vient incessants, des intérêts souvent centrés sur l’argent et des amitiés toujours à recommencer.

Kuujjuaq

J’ai pu m’entretenir avec Nancy Saunders qui peint de magnifiques murales à Kuujjuaq.

J’ai compris qu’on pouvait écouter, voir et apprécier une culture sans nécessairement s’imposer en tant que visiteur avec nos mille et une questions. Il faut attendre, je crois, qu’elles soient les bienvenues. Être une observatrice curieuse et prête à saisir les occasions me suffit pour une si brève visite. D’ailleurs, dans l’avion, j’ai eu une conversation mémorable avec trois Inuits de Georges River en route vers Montréal. Ils étaient chaleureux, doux et bienveillants.

Rire ensemble est aussi, je crois, une façon de bâtir des ponts. Je vous invite FORTEMENT à regarder le documentaire hilarant « Qallunat! Pourquoi les blancs sont drôles » (52 minutes), réalisé par Mark Sandifort en 2006. Pour une fois, la lentille de la caméra est tenue par les Inuits et pointée sur les Qallunaats. Le résultat est brillant! Tout est fait avec beaucoup d’humour, parfois un peu pinçant, mais parfois aussi qui fait presque mal tellement ça fait réalisé comment les Autochtones du Nord ont souvent été traités par les « Blancs ».

Documentaire humoristique « Pourquoi les blancs sont drôles », réalisé par Mark Sandiford en 2006.

Documentaire humoristique « Qallunaat! Pourquoi les blancs sont drôles », réalisé par Mark Sandiford en 2006 (cliquez sur le titre du documentaire pour être redirigé vers l’ONF.

Le Nord, c’est l’hiver

Dans le mois de mars, j’irai de nouveau à Kuujjuq. Les grands froids devraient être passés. Les Inuits à qui j’ai parlés et beaucoup de Qallunaats m’ont à peu près tous dit la même chose : c’est en hiver qu’on découvre véritablement le Nord. L’été est si bref de toute façon qu’il ne donne pas une bien bonne idée du climat de cette région du monde.

On en fait plutôt l’expérience lorsque la neige recouvre le land, lorsque le vent souffle, lorsque les aurores boréales apparaissent dans le ciel. Néanmoins, je suis très heureuse d’avoir vu l’été nordique. La vie qui émerge de ces environnements extrêmes me fascine.

Je remercie du fond du cœur ma cousine Annie qui me permet de vivre cette belle aventure encore une fois! Je t’aime cousine!

Annie, Yuki, Kuujjuaq

Avec Annie et son chien Yuki.

Un bon compagnon de voyage

Je n’ai pas eu la chance de consulter cet ouvrage encore, mais si jamais je retourne dans le Nord l’été, il trouvera une place dans mes bagages. Une espèce de Flore laurentienne de la toundra du Nunavik.

Plantes des villages et des parcs du Nunavik