Quand vient le temps de choisir un vin, on peut facilement se sentir dépassé par le choix de bouteilles qui s’offre à nous, et ce même dans le vin bio. En effet, une brève recherche sur le site de la SAQ indique qu’il y a maintenant plus de 550 vins certifiés biologiques sur les tablettes du Québec. Ce nombre inclut les vins « nature », une étiquette ajoutée tout récemment, de même que les vins biodynamiques.

Même si cela ne représente qu’un petit pourcentage de tous les vins disponibles à la SAQ (environ 5%), on peut dire que le bio a le vent dans les voiles. En effet, La Presse rapportait l’an dernier que la vente de vins bio avait connu une croissance de 18% entre 2014 et 2016 [i]. D’ailleurs, quand j’ai commencé ma section « Cellier », j’avais l’intention de parler uniquement de vins certifiés biologiques.

Poderi Colla_Barbaresco (Roncaglie di Barbaresco)

Même si la maison Poderi Colla ne produit pas de vins bio, elle recevait récemment, avec d’autres vignobles de la région, une distinction de l’UNESCO pour ses pratiques viticoles durables exemplaires, ainsi que pour la préservation de la beauté des paysages. Photo : www.podericolla.it.

Or, je me suis rapidement rendue compte que m’en tenir à ce label serait une occasion manquée de découvrir d’autres types de production qui vont parfois bien au-delà de ces normes, de même qu’une multitude de vins qui ne détiennent aucune certification mais qui sont quand même élaborés dans le respect de l’environnement. Pour vous aider à vous y retrouver, je vous explique dans cet article quelles sont les différentes options qui s’offrent à vous quand vient le temps de choisir un vin « durable » (sustainable wine), qu’il soit bio ou non.

Qu’est-ce qui distingue un vin bio?

Pour le définir simplement, un vin bio, c’est une boisson alcoolisée dont les raisins qui ont servi à sa production sont issus de l’agriculture biologique. Autrement dit, aucun pesticide ni herbicide d’origines chimiques n’ont été utilisés sur les vignes. Les producteurs doivent également tenir des cahiers des charges et respecter certains procédés lors de la fabrication du vin.

 vin bio Antinori Trentangelli Tormaresca 2015

Un des logos qui indiquent qu’un vin est issu de l’agriculture biologique. Ici, le Trentangeli de la Maison Antinori.

Au-delà de ces exigences, on imagine souvent – et idéalement – que la filière biologique est d’abord et avant tout une philosophie qui s’inscrit dans ce que toutes les branches du mouvement environnemental ont en commun : le respect de la planète. Or, les certifications biologiques sont aussi, on se doit de le mentionner, un outil de commercialisation. Bien sûr, un n’exclut pas l’autre. Mais elles peuvent aussi parfois décevoir, car les bonnes intentions ne sont pas toujours au rendez-vous. Ainsi, des vins biologiques peuvent être produits sur une échelle industrielle et contenir toutes sortes d’additifs. Bref, l’opportunisme existe dans tous les secteurs, le bio y compris, et la qualité du vin n’est pas garantie par un logo.

Malgré cela, le fait que les vins certifiés bio soient en augmentation au Québec comme sur le marché mondial est une bonne nouvelle pour tout le monde et pour l’environnement. Les vins bio s’inscrivent dans une tendance à la production et à la consommation consciencieuses. Voir de plus en plus de bio sur les tablettes participe de plus à sensibiliser les gens à l’importance de pratiques agricoles plus écoresponsables.

Vins conventionnels versus bio : de vrais impacts sur l’environnement

L’impact de l’agriculture biologique sur l’environnement est réel et mesurable. Surtout, il est bénéfique. Par exemple, une étude [ii] réalisée par des chercheurs italiens en 2008 a comparé la production de deux vins de la Toscane. L’un était bio, l’autre non. Les chercheurs ont calculé l’impact écologique de chaque vin, de la production jusqu’à l’embouteillage. Résultat? Le vin conventionnel, comparé au bio, avait une empreinte écologique deux fois plus élevée.

Généralement, ces différences sont dues à une multitude de facteurs, incluant l’utilisation de pesticides, d’herbicides et de fertilisant, le choix de la machinerie agricole, les emballages utilisés, les méthodes de distribution du vin, etc. À cela s’ajoute toujours les externalités impossibles à quantifier. Par exemple, on sait désormais que l’utilisation des pesticides est en lien direct avec les maladies qui affectent les abeilles. Choisir bio, c’est aussi contribuer à réduire cette pollution.

Bien sûr, il demeure que la consommation la plus locale possible peut être une option intéressante. Enfin, oui et non… Les vins canadiens par exemple, en particulier ceux de la vallée de l’Okanagan, se démarquent de plus en plus sur le marché vinicole par leur qualité. Mais Osoyoos, c’est quand même à plus de 4500 km… Quant aux vins du Québec, ils sont encore peu nombreux, mais certains sont quand même très intéressants. Un sujet pour un futur article!

vin bio vins CheckMate Okanagan

Les vins de CheckMate Artisanal Winery, de la vallée de l’Okanagan, travaillent à obtenir la certification bio pour certaines de leurs parcelles.

Le vin bio et la santé

Si les impacts du vin issu de l’agriculture biologique pour l’environnement sont bel et bien positifs, qu’en est-il de son impact sur notre santé? La question mérite d’être posée, puisqu’une étude [iii] réalisée en Suisse en 2012 a montré que c’est là l’une des raisons, en plus des questions environnementales, pour laquelle les consommateurs choisissent ce label.

La logique est simple : comme pour les fruits et légumes, on pourrait s’attendre à consommer moins de produits chimiques si le vin que nous achetons est fait de raisins bio. Or, si le vin bio est d’abord et avant tout effectivement un vin issu de raisins biologiques, une grande différence existe avec les fruits et légumes : c’est que la production du vin ne s’arrête pas à la récolte du raisin. En effet, le vin subit une autre transformation majeure : celle en chai, pour la fermentation. À cette étape cruciale, même dans le bio, les producteurs ont droit d’ajouter une bonne variété d’additifs et des sulfites aux vins s’ils le désirent (voir tableau ci-bas). Encore plus que les sulfites, les additifs pourraient être partiellement responsables des réactions allergiques qui peuvent affecter certaines personnes.

Une équipe de chercheurs s’étaient notamment intéressés à cette question en 2001 [iv]. Ils avaient trouvé que les sulfites ne provoquaient pas une réactivité aussi grande que prévue chez des asthmatiques dits sensibles aux sulfites, l’asthme étant l’une des réactions allergiques communément observées. Une de leurs conclusions était que d’autres additifs contenus dans les vins étaient peut-être responsables de ces réactions. Depuis, beaucoup de recherches ont été menées sur le sujet. Une étude publiée en 2016 [v] fait état de la recherche dans ce domaine, révélant que les additifs ajoutés aux vins – qui peuvent d’ailleurs être de nature animale – pouvaient laisser des résidus dans les vins et causer des réactions allergiques. Les auteurs en appelaient à une plus grande transparence dans ce domaine. Malheureusement, les producteurs n’ont pas à indiquer s’ils utilisent ou non des additifs.

Mes réactions allergiques aux vins

Sur une note personnelle, j’ai longtemps pensé que j’étais allergique aux vins rouges. J’ai parfois des réactions prononcées, même avec des vins bio, allant de plaques rouges à de légères difficultés respiratoires, ce qui ne m’a jamais convaincue néanmoins de m’en priver.

J’ai d’abord cru, à tort, que c’était à cause des sulfites (voir d’ailleurs à ce sujet un excellent article de Véronique Rivest, par ici). Mais comme je ne réagis pas vraiment aux vins blancs, qui, je l’ai appris depuis, contiennent plus de sulfites que les vins rouges, cette hypothèse a finalement été écartée. Il m’apparaît maintenant fort probable que je réagis à un ou des résidus d’additifs contenus dans certains vins rouges, même si cela est à peu près impossible à prouver.

En revanche, je n’ai jamais eu de réactions aux vins que je vous présente sur ce blogue. Je les essaie tous sans exception avant de vous en parler. La morale de l’histoire, c’est que si la santé est un facteur dans votre décision d’acheter du vin bio ou durable, mieux vaut connaître les pratiques de production des vins que vous achetez, label ou non. Comment, vous demandez-vous? En lisant sur le sujet!

Autres certifications : biodynamique, nature, SAINS

Mis à part le bio, il existe plusieurs autres certifications ou mentions, notamment biodynamique, nature et SAINS (un acronyme pour « sans aucun intrant ni sulfite »). Ces certifications, dont les exigences varient légèrement d’un pays à l’autre, valent la peine d’être découvertes. Le tableau suivant montre les principales différences entre les vins conventionnels, biologiques, biodynamiques, nature et SAINS.

Certifications vins biologiques, biodynamie, vin nature, vin SAINS, vin bio

Photo : www.vinsnaturels.fr. Merci à Yves Mailloux du Club des grands dégustateurs de vins pour cette référence.

On voit que plus on avance dans les certifications, moins on ajoute d’additifs au vin. Autrement dit, plus il est naturel. Ainsi, pour les vins conventionnels, environ 50 additifs différents sont permis. Pour la viticulture biologique, ce nombre baisse à 35. En mode biodynamique, plus que 5 additifs peuvent être ajoutés aux vins. En mode nature, les additifs ne sont plus permis; seulement une quantité minime de sulfites peut être ajoutée (à noter que le vin en contient naturellement). Finalement, les vins SAINS ne contiennent pas, comme l’indique l’acronyme, d’additif ni de sulfite ajouté.

À la SAQ, on identifie généralement les vins certifiés biologiques, biodynamiques et maintenant nature, comme l’explique le site de la Société, par le logo suivant, auquel s’est ajouté depuis un logo nature.

vin bio Logo de la SAQ pour les vins agrobiologiques. Photo : www.blogue.saq.com

vin bio, vins biodynamiques vins nature SAQ

Logo de la SAQ pour les vins agrobiologiques (www.blogue.saq.com) et description des vins agrobiologiques (www.saq.com).

Bien sûr, si l’on veut plus de choix, on peut aussi se tourner vers l’importation privée. Qui plus est, les options pour choisir des vins durables ne se limitent pas, selon moi, qu’aux vins détenteurs de certifications. Voici pourquoi.

50 nuances de vert

Dans un article publié en 2013, des chercheurs ont proposé différentes catégories des compagnies viticoles en regard des questions de durabilité [vi]. Ils les ont rassemblées sous quatre catégories principales :

  • Les dévoués. Ces compagnies ont une orientation très marquée vers la durabilité. Elles mettent l’emphase sur ce point dans toutes leurs opérations marketing et elles produisent la plupart du temps des vins certifiés.
  • Les non-exploiteurs. Celles-ci adoptent des pratiques durables, mais n’en font généralement part à personne, pas même à leurs clients. Règle générale, elles n’en parlent pas non plus, ou très peu, dans leurs communications marketing. Il faut souvent leur soutirer l’information en discutant avec eux, parce que pour eux, cela va de soi.
  • Les opportunistes. Ces dernières n’ont pas nécessairement d’intérêt particulièrement marqué pour les pratiques agricoles biologiques, mais elles savent saisir les occasions d’affaires. Elles s’adaptent aux marchés et aux goûts des consommateurs. Elles produisent souvent à la fois des vins certifiés et d’autres non certifiés, selon les besoins du terroir et la fragilité des raisins.
  • Les désintéressés. Celles-ci n’ont pas d’intérêt marqué pour les pratiques durables. Elles s’en tiennent aux pratiques conventionnelles, qui peuvent inclure, par exemple, l’utilisation de pesticides et d’herbicides systématique et préventive, de grosses productions de masse, l’ajout de quantités importantes d’additifs, etc.

Règle générale, les vins que je vous présente sur ce blogue appartiennent aux catégories des « dévoués » ou des « non-exploiteurs », parfois même des « opportunistes ». Je laisse de côté la dernière catégorie, celle des « désintéressés », même si une grande partie des vins offerts sur le marché québécois s’y inscrivent.

S’il va de soi que je parle volontiers des « dévoués », j’aimerais attirer votre attention sur les « non-exploiteurs ». Il s’agit souvent de vignobles exceptionnels qui n’ont pas besoin d’aller chercher de certifications, entre autres parce que leur nom n’est plus à faire. De plus, ils pratiquent souvent une culture qui va bien au-delà des exigences demandées par les certifications. Par exemple, Alain Brumont me racontait qu’il ne mettrait jamais de cuivre dans ses vignes, alors que les certifications biologiques le permettent.

Vins Alain Brumont vin bio

Les vins d’Alain Brumont sont élaborés dans un grand respect pour la terre, les vignes et les raisins.

Au final, plusieurs compagnies s’inscrivent dans les multiples nuances de vert qu’on retrouve entre ces catégories.

Une agriculture raisonnée?

Ces vignobles pratiquent souvent ce qu’on appelle une agriculture raisonnée. L’utilisation de pesticides sur leurs vignes est un dernier recours. Si les méthodes plus naturelles ne fonctionnent pas, les producteurs se permettent d’utiliser des produits, occasionnellement, sur une parcelle particulière, pour sauver une récolte en danger par exemple.

Le principal problème avec l’agriculture raisonnée, c’est que tout le monde peut s’en réclamer mais qu’aucun contrôle n’existe. Rien ne garantit le niveau de « raisonnement » derrière les décisions prises. Dans les meilleurs cas – qui peuvent être très bien, voire excellents – les producteurs traitent chaque parcelle de façon différente, selon les besoins des vignes. La plupart de ceux dont je vous parle m’ont dit ne mettre que du fumier du mouton au pied de leurs vignes. Parfois, une parcelle plus facile d’entretien et moins sujette aux maladies pourra produire un vin éligible à la certification bio. Alors le producteur saisit l’occasion.

Antinori Trentangelli 2015 vin bio

Ailleurs, certains ont eu l’idée d’établir des programmes de durabilité. C’est le cas de la Nouvelle-Zélande, par exemple, qui a adopté un programme de vins « durables » en 1997. Depuis, 97% des vignobles ont embarqué de façon volontaire dans cette initiative proposée par l’Association des producteurs de vins de la Nouvelle-Zélande. Elle prévoit entre autres des audits indépendants. Entre 1995 et 2009, l’utilisation de pesticides et de fongicides a diminué respectivement de 72% et 62% dans les vignobles de la Nouvelle-Zélande, des résultats non négligeables [vii].

Ici par exemple, on laisse pousser des plantes qui serviront d’engrais vert naturel entre les rangées, plutôt que d’utiliser des herbicides pour tuer les mauvaises herbes autour des vignes. Photo : New Zealand Wine, www.nzwine.com.

Finalement, on retrouve dans cette catégorie des familles qui s’occupent de leurs parcelles depuis une multitude de générations. Ainsi, la maison Antinori s’occupent de certains vignobles depuis 26 générations. Parlez-moi de durabilité! C’est bien là un gage de respect de la terre, s’il en est un. Les pratiques de ces vignobles positionnent les êtres humains comme des surintendants respectueux et responsables de leurs terres, plutôt que comme des exploiteurs tout-puissants.

Conclusion 

À peu près tout le monde s’entend sur l’importance d’encourager de meilleures pratiques agricoles, mais combien le font vraiment? L’idéal, c’est de poser des questions et de tenter de voir quelle est la philosophie derrière chaque étiquette. En général, si vous ne voyez pas le nom du producteur sur la bouteille, laissez-la sur la tablette! On veut de la traçabilité et de la transparence! En attendant, les certifications peuvent nous aider à nous y retrouver. S’informer sur les pratiques viticoles des différents producteurs est une autre façon de savoir ce que vous mettez dans votre verre (et votre gosier).

Lors des dégustations, j’ai souvent la chance de parler aux producteurs ou aux maîtres de chais. Au début, j’étais parfois gênée de leur poser des questions sur leurs pratiques agricoles, sur leur philosophie par rapport à l’environnement, parce que personne n’en parlait d’emblée. Puis, peu à peu, je me suis aperçue que ces questions étaient les bienvenues et que les producteurs en discutaient volontiers.

Pour ces amoureux du vin, la terre, les vignes et leurs raisins sont au centre de leurs préoccupations, et ce à toutes les étapes de la production. Et leurs qualités sont directement liées à celles de leur environnement. « J’ai quatre enfants » m’a raconté Denis Lesgourgues, propriétaire des Château Laubade, Château Peyros et Château Haut Selve. « Je veux leur laisser une planète en santé. »

Château Peyros Château Haut Selve Denis Lesgourgues Mark Anthony

Ce sont des vins produits par ces vignerons-là que je veux boire et que je vous présente ici. À vous maintenant de les découvrir.

Références

[i] Karine Duplessis Piché, « Connaissez-vous le vin bio? », La Presse, 25 janvier 2016. Disponible au http://www.lapresse.ca/vins/201601/25/01-4943491-connaissez-vous-le-vin-bio.php.

[ii] Valentina Niccolucci, Alessandro Galli, Justin Kitzes, Riccardo M. Pulselli, Stefano Borsa et Nadia Marchettini, « Ecological Footprint Analysis Applied to the Production of Two Italian Wine », Agriculture, Ecosystems & Environment, vol. 28, no 3, novembre 2008, p. 162-166. Disponible au http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880908001771.

[iii] Stefan Mann, Ali Ferjani et Linda Reissig, « What Matters to Consumers of Organic Wine? », British Food Journal, vol. 114, no 2, 2012, p. 272-284. Disponible au http://www.emeraldinsight.com/doi/pdfplus/10.1108/00070701211202430.

[iv] H. Vally et P.J. Thomson, « Role of sulfite additives in wine induced asthma: single dose and cumulative doses studies », Thorax, no 56, p. 763-769. Disponible au http://thorax.bmj.com/content/56/10/763.

[v] C. Rizzi, F. Mainente, G. Pasini et B. Simonato, « Hidden exogenous proteins in wine: problems, methods of detection and related legislation – a review », Czech Journal of Food Science, no 34, 2016, p. 93-104. Disponible au http://www.agriculturejournals.cz/web/cjfs/articles/357_2015-CJFS/.

[vi] Cristina Santini, Alessio Cavicchi et Leonardo Casini, « Sustainability in the Wine Industry: Key Questions and Research Trends », Agricultural and Food Economics, vol. 1, no 9, 2013. Disponible au https://agrifoodecon.springeropen.com/articles/10.1186/2193-7532-1-9.

[vii] Voir le site New Zealand Wine pour plus d’information à ce sujet : https://www.nzwine.com/en.