Si vous me lisez régulièrement, vous savez déjà à quel point j’aime travailler avec Jessica. Une rencontre fortuite nous a mise sur la route l’une de l’autre à l’automne 2018. Depuis, les collaborations s’enchaînent, comme le guide #Boirelocal.

Pas besoin de la connaître beaucoup pour voir qu’elle est une personne hors du commun : c’est une leader exceptionnelle, d’une gentillesse et d’une énergie sans fin, avec un flair pour les affaires. Équipée d’un eMBA, de nombreux diplômes de sommellerie et d’une expérience impressionnante aux achats de prestige à la SAQ et à l’international, elle se démarque dans les milieux du vin et des affaires au Québec depuis bien des années.

Jessica Harnois - vins bio Québec

Jessica a reçu le 5 novembre le Prix Femme d’affaires du Québec 2019, catégorie petite entreprise. (Photo : RFAQ)

Ses accomplissements et engagements remplissent des pages et des pages. Difficile de choisir lesquels vous présenter. Je ne nommerai que les Productions Jessica Harnois Inc., le jeu Dégustation Vegas, l’agence d’artistes en sommellerie Vins au Féminin, Savori et sa collaboration, depuis 2016, avec Arterra pour la fameuse gamme des vins Bù. Ce dernier projet a contribué à la faire connaître du grand public.

Jessica Harnois - vins bio Québec

Jessica a mis sur pied l’agence de sommellerie Vins au féminin, maintenant dirigée par Manoushka Ross (devant à gauche). (Photo : Vins au féminin)

Ça ne s’arrête pas là, oh non! Avec des centaines de conférences, six livres, des chroniques et des émissions de radio, la présidence de plusieurs événements vinicoles chaque année, sa participation à des organisations comme Educ’Alcool et Femmessor, ainsi que la sortie du jeu Vin mystère, élaboré avec Randolph (ceux qui ont créé L’Ostie de Jeu) juste à temps pour Noël, on peut dire qu’elle a de la broue dans toupet!

J’ai quand même réussi à lui glisser quelques questions, en lui demandant de répondre très brièvement (elle est très occupée!), ce qu’elle a gentiment accepté. Laissez-vous inspirer par ses réponses!

1. Jessica, encore une fois, toutes mes félicitations pour ton prix Femme d’affaires du Québec 2019! On le sait, c’est souvent difficile de parler de nos qualités, particulièrement pour les femmes, paraît-il. Pourtant, c’est tellement important de savoir reconnaître nos forces. D’après toi, quelles sont tes principales qualités d’entrepreneure qui t’ont valu d’être nommée Femme d’affaires du Québec 2019 dans ta catégorie (petite entreprise)?

Jessica Harnois vins bio Québec

Son petit dernier : le jeu Vins mystère, qui sera disponible sous peu. (Photo : JH)

La réponse est immédiate, sans une once d’hésitation : « La discipline. Avoir une vision et y croire. J’ai une confiance aveugle dans mes projets. Quand j’ai une idée en tête, je ne doute pas et je fonce. »

2. Quelles sont les valeurs non négociables qui t’animent et qui inspirent tes projets?

Encore une fois, sa réponse est spontanée : « Amour, respect et confiance, dans tout. » Lorsque je lui fais remarquer qu’on parle rarement « d’amour » en affaires, elle me rétorque qu’elle doit aimer une idée pour s’embarquer, mais aussi qu’elle doit se sentir appréciée et apprécier les gens avec qui elle travaille.

« Mes projets se déroulent dans la douceur. Je dois sentir une bonne vibe, sinon je n’y vais pas. Je refuse régulièrement des projets. Même si le sujet me rejoint, si mes valeurs ne sont pas alignées, je décline. »

3. Mon blogue Histoire de s’inspirer porte, comme tu le sais, sur le style de vie et la consommation écoresponsables. Quelle place l’environnement comme enjeu de société occupe-t-il dans ta vie personnelle?

« Énorme. Pour le vin, ça touche à beaucoup d’enjeux, dont le recyclage du verre et le vin en vrac. Ça m’interpelle beaucoup. J’entame actuellement une discussion avec la gang du Bocal, une épicerie zéro déchet, depuis longtemps pour trouver une solution. Ça me perturbe que le verre ne soit pas recyclé, alors j’aimerais aller vers le vrac pour les vins Bù. Ça n’affecterait aucunement la qualité du vin. Ça ferait même baisser un peu les prix. Les gens pourraient rapporter leurs bouteilles propres et les remplir. En attendant, j’appuie la compagne pour la consigne des bouteilles de vin. Ça me tient à cœur. »

4. Tu es très impliquée dans la promotion des vins du Québec. Tu es entre autres porte-parole de la Fête des vendanges de Magog-Orford et tu viens de publier l’excellent guide (!) #Boirelocal : les 100 meilleurs vins, bières et alcools du Québec. Crois-tu que les Québecois.es sont prêt.es pour un virage local dans la consommation de vin?

Jessica Harnois vins bio Québec

(Photo : JH)

« Le vin est prêt et les consommateurs le sont aussi! On voit des tendances. Par exemple, les vins plus trendy comme les vins orange et les vins nature locaux ont la cote. Et c’est très bien ainsi, puisque ces vins ne doivent pas trop voyager. On fait aussi d’excellentes bulles et de merveilleux rosés au Québec. C’est le nerf de la guerre! Les rouges s’en viennent aussi, on commence à en avoir de très bons, mais pour l’instant, je mise principalement sur les mousseux et les rosés. »

5. Parle-nous des vins bio.

« Ça devrait être la norme pour tous les vins. Je ne dis pas qu’ils devraient tous être certifiés, mais la viticulture raisonnée, où les produits de synthèse peuvent être utilisés en cas de problèmes majeurs et en tout dernier recours, devrait être un minimum.

Les certifications bio sont un peu trop strictes et ne permettent pas d’éviter les catastrophes. C’est triste de voir un vigneron investir des millions et tout perdre en cas de pépin. Idéalement, les normes bio auraient besoin d’être un peu plus flexibles. Présentement, c’est tout ou rien. Il faudrait peut-être quelque chose entre les deux.

La culture raisonnée pourrait aussi être à revoir; elle pourrait être mieux encadrée pour ne pas que l’expression devienne vide de sens. Elle permet quand même de promouvoir d’autres façons de s’occuper des vignes. »

6. Est-ce que le prochain vin Bù sera bio?

Jessica Harnois vins bio Québec

Les stands Bù sont partout! Ici, dans un IGA à Sherbrooke. Est-ce moi ou ma soeur jumelle?

« Chercher un vin bio a été une de mes premières idées avec Bù. J’ai fait mes premières demandes auprès de vignerons il y a 3 ou 4 ans. Le problème, c’est que les vins bio ne sont pas très stables au niveau qualitatif (d’une année à l’autre) ni au niveau des prix. Aussi, c’est difficile d’en trouver en quantité suffisante. On a vendu 8 millions de bouteilles de vins Bù! En fait, je l’ai trouvé, mon Bù bio! C’est un Bordeaux, fait de merlot. Mais c’est encore en processus. Je continue de chercher, puisque la cuvée sera petite. Peut-être qu’on fera des Bù rares en éditions limitées! »

7. Et les vins nature, qu’en penses-tu?

« En tant qu’ancienne acheteuse de vins de prestige à la SAQ, je peux t’en parler! Comme acheteurs, nous devons nous porter garants de ce que les gens achètent. Or, les vins nature ne voyagent pas très bien. Parfois, jusqu’à une bouteille sur deux peuvent ne pas être bonnes. C’est donc très difficile pour la SAQ d’en tenir, puisqu’elle doit tout rembourser ce que les clients rapportent. En réalité, ce ne devrait pas être à elle de rembourser un vin instable.

Comme je le disais, les vins nature ont avantage à être consommés localement. Dégustés là où ils ont été produits, c’est de la bombe! Ceux importés, en revanche, sont rarement aussi bons. C’est frustrant!

En fait, ces produits sont pour un public initié. Contrairement aux gros vendeurs, ces vins-là ne goûteront pas toujours la même chose d’une cuvée à l’autre. Et c’est normal. Ils doivent être bien conservés, mais aussi bien servis. Pour les tenir et les vendre, il faut avoir des connaissances, être respectueux des produits et avoir un bon turn-over, puisqu’ils ne se conservent pas longtemps.

Si on veut quand même en acheter, mieux vaut passer par l’importation privée et se fier à des gens qui savent vraiment contrôler la marchandise, que ce soit via une agence, un restaurateur ou un bar à vins. Sinon, on privilégie le local, comme les vins nature du Vignoble des Pervenches, de Négondos ou encore de Pinard et filles. »

Jessica Harnois vins bio Québec

Le vin orange Julep du Vignoble Negondos a connu beaucoup de succès depuis deux ans. (Photo : Instagram, @brouillardcomm)

8. Le 12 novembre a eu lieu la conférence « Tasting Climate Change » à Montréal. D’après toi, comment l’industrie du vin peut-elle participer à la lutte contre les changements climatiques? 

« Premièrement, la terre doit être travaillée de manière raisonnée. Il faut respecter les sols. Il est trop tard pour éviter les changements climatiques; nous commençons déjà à les vivre. Mais il n’est jamais trop tard pour faire mieux et améliorer la situation collectivement pour ne pas l’empirer.

Maintenant, il faut aussi s’adapter et maintenir les terres et les vignes en santé. Il faut réfléchir. Au lieu de prendre la production pour acquis, on doit cultiver de façon plus intelligente. Cela inclut, par exemple, de recycler l’eau de pluie et de moins traiter en prévention. »

9. Comment crois-tu que les consommateurs, de leur côté, puissent faire leur part à ce chapitre? Comment boire de façon écoresponsable? À qui la responsabilité? Aux producteurs – offrir des options – ou aux consommateurs – les demander?

« Je répondrais à peu près la même chose. Il faut adopter de nouvelles façons de vivre. Aussi, c’est important d’encourager les producteurs qui font des efforts en ce sens et de soutenir les initiatives qui s’inscrivent dans de type de démarche. Les consommateurs peuvent respecter leurs valeurs en achetant des produits de producteurs consciencieux. Le vrac (ça arrivera un jour je l’espère avec Bù!) et l’achat local sont aussi de bonnes options. »

Jessica Harnois vins bio Québec

Avec ses huit millions et plus de bouteilles vendues , les vins Bù ont acquis une part de marché. Je convaincue qu’un vin Bù bio et en vrac aurait du succès. (Photo : Bù)

10. Pour terminer, j’aimerais revenir sur ton parcours d’entrepreneures. Quels sont tes meilleurs conseils pour les femmes qui se lancent en affaires?

« Premièrement, c’est de bien s’entourer. C’est la clé de mon succès, tant au niveau personnel qu’au niveau des affaires. Je ne m’embarque pas dans mes projets seule. Je trouve un mentor dans chaque catégorie. Je suis satisfaite et heureuse, je célèbre mes succès, mais sans rien prendre pour acquis. Je suis toujours en mouvement et les autres m’aident à avancer.

Deuxièmement, je conseille d’apprendre à bien gérer sa vie personnelle. C’est aussi important que de bien gérer son entreprise. Ça inclut gérer son énergie et ses ambitions. On doit s’arrêter et se demander : ‘pourquoi je fais tout ça?’ Ça aide à garder un équilibre. »

Jessica Harnois vins bio Québec

Jessica Harnois donne régulièrement des conférences pour des organisations aidant les entrepreneurs, qu’il s’agisse de cours de leadership ou de conseils pour les femmes entrepreneures. (Photo : Femmessor)

Jessica, un grand merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions!

*

Chose certaine, on n’a pas fini de la voir un peu partout, que ce soit à la télé, dans les épiceries, en conférences devant un groupe d’entrepreneures ou encore en tournée dans les régions du Québec.

Véritable ambassadrice des vins d’ici, Jessica est aussi un modèle de femme d’affaires qui, même si elle est déjà bien accomplie et consacrée parmi les meilleures, continue d’enligner avec succès les projets. Il y a de quoi être inspirée!

En passant, on commence très bientôt à travailler sur un autre projet de livre! À suivre!

Mariève
xx

(Photo de la page couverture : JH)